Zone Infinie (Interview)

C’est qui, c’est quoi la Zone Infinie, tu peux nous présenter un peu le groupe ? C’est votre première expérience ou certains ont déjà eu l’occasion de jouer dans d’autres groupes avant ?
Scub (chant) : La Zone Infinie à la toute base c’est un peu la suite de Toujours Rien, groupe punk rock stéphanois ayant officié entre 2007 et 2011. Il n’en reste plus grand chose aujourd’hui. On a formé la Zone dans un squat de Vaise Lyon 9ème, notre QG de l’époque, où nous répétions et où certains membres du groupe vivaient, fin 2013. Tous les membres du groupe ont joué dans d’autres groupes, comme Strong As Ten, Death Reign… Nous sommes tous de base liés à la scène punk rock et ses différents appendices.
Arthur (basse) : Étant une pièce rapportée, j’aurais du mal à définir le concept Zone Infinie mieux que mes comparses. J’ai officié dans quelques groupes de punk rock assez discrets avant. J’te balance quelques noms histoire de : Paranormal, Placard, Casscarrabias. On a eu un groupe de hardcore avec Oli le batteur qui s’appelait Razor Rites et actuellement, en plus de la Zone, je chante dans Dernier Futur.

Des gens de Sainté et de Lyon qui se rassemblent ? Je croyais que c’était la guerre entre les deux villes ? Les derbys O.L. vs A.S.S.E. se passent bien ? Peut être aussi que vous n’en avez rien à foot…
Scub : Si tu regardes bien, je suis le seul à peu près stéphanois du groupe et il y a peut être un seul à peu près lyonnais. J’ai vécu personnellement des deux côtés. La zone infinie va peut être plus loin que Sainté et Lyon. Deux membres sont originaires du nord est de la France, un a grandi à Montreuil. Ce qui nous rassemble peut être c’est qu’on vient tous des mêmes genres de coin, petites villes post industrielles et banlieues proche métropolitaine.
Arthur : Perso j’ai jamais trop été foot. Pour moi St Etienne a toujours été une bonne terre d’accueil au même titre que Lyon. Et si le punk rock a bien pu briser des frontières, c’est celles posées par le derby car en termes de musique j’ai toujours connu du lien entre les deux villes.

Souvent il y a une première étape discographique (démo, 45t…) et vous vous débarquez plus ou moins de nulle part, directement avec un LP déjà abouti. J’ai beau chercher des failles, je n’en trouve pas. Elle vient d’où cette maturité ?
Scub : On ne débarquait pas tout à fait de nulle part.. On a tous un espèce de cursus derrière, une école du punk rock dans la musique mais aussi dans la vie de tous les jours. Le 1er LP était plus spontané, réaliste, il reflétait un peu nos manières de vivre de l’époque. On a eu la chance aussi d’avoir un pote qui bosse dans une SMAC et qui nous a fait un pur son…
Arthur : J’dirais 80 % de travail , 20 % de chance et beaucoup de gens qui nous ont aidés.

On dirait qu’il y a un renouveau de la scène punk Oi! Récemment, avec par exemple Syndrome 81 ou Rixe, hérités des 80’s (Camera Silens), voire des 90’s (Brigada Flores Magon). Tu partages cette impression ? Vous semblez aussi brasser des influences plus diverses.
Scub : Pour le coup dans tout ce que tu cites je vois très bien le lien avec Camera Silens mais aucun lien avec la Brigada. Ironie du sort, nous ne nous sommes jamais réclamés de la scène oi! nous n’avons jamais voulu en faire. Elle a une influence très minime dans nos compos. Leatherface est par contre un groupe qui a compté gravement. On a pas mal fait de plans à la Cure/Joy Div aussi et autres groupes post punk anglais plus obscures. Les Thugs ou même des mélodies qui viennent de bien plus loin, des trucs plus pop ou plus dansants… Ah oui puis les Brigades aussi, le groupe français.. Un peu de Rats ou d’O.T.H. pour l’attitude et enfin La Souris pour la manière d’écrire… Ce qui est sûr c’est que nous sommes par contre tous fans de Camera Silens. A part ça, de la oi!; je connais pas grand monde qui en écoute régulièrement autour de nous. Nous nous sentons clairement liés à la scène de Lille et de Brest (Traitre, Kronstadt, Litovsk, Syndrome 81).Tout ça s’est fait naturellement, on ne se connaissait pas avant. Peut être que la France de 2010 a comme un air de mélancolie et de dépression, un non futur moins vivace, plus étalonné et traité au Lexomyl. L’envie peut être pour la scène française un peu politisée (ou moins ou beaucoup selon les groupes) de revenir à des choses plus concrètes, après le tout slogan et l’obscurantisme anarchopunk dogmatique des années 2000…
Qui on aimerait croiser ? Des bonnes personnes, sincères et authentiques, voire des gens en dehors de la scène avec qui on peut partager des trucs et ce si possible sans jemelapétisme de gens de la scène. Genre tu joues dans tel groupe alors tu seras mon/ma pote.
Arthur : C’est marrant quand même que beaucoup nous accrochent cette étiquette oi!. J’pense que chacun à notre manière on est un pur produit issu du punk rock de nos régions respectives. Perso j’aime bien certains trucs de oï, mais pas du tout le folklore qui va avec. Pour moi la Brigada représente pas grand-chose. Et si parler de façon crue du quotidien veut dire oi!, qu’en est-il des Bérus ou des Rats?

La première fois que je vous ai vus c’était un dimanche soir à St Ouen, deux jours après les attentats de novembre 2015. Tu te souviens de ce concert ?
Scub : Je me rappelle m’être embrouillé avec un mec qui faisait des mauvaises blagues quand on a appris pour cette histoire d’attentats… Je me rappelle d’une ambiance de guerre civile autour du périphérique parisien… Je me rappelle des puces de St Ouen à moitié vides… A part ça, ce soir là on a joué. Voilà tout, y’avait du monde c’était cool pour l’orga…

Les textes ont un côté un peu déprimant et parlent de zoner, la nuit, sur le périph, dans des bars… Le contexte géographique et social joue sur cette morosité ? Y a rien à Sainté/Lyon ? Rester ou fuir, pas d’autres alternatives ou on peut espérer sortir du tunnel ?
Scub :Tout ça c’est des états d’âme du quotidien.. la passion pour la ville aussi. Sainté/Lyon c’est pas le pire coin de France, au moins c’est urbanisé, y a un coté dichotomique aussi dans Sainté/Lyon : Sainté la ville industrielle abandonnée, Lyon la ville dynamique tertiaire bourgeoise (mais pas que, c’est assez grand). En fait si on regarde bien depuis le début y a un coté contraires/dichotomique dans Zone Infinie. Le nom même du groupe a une signification à la fois positive et négative, la Zone Infinie comme « monde de merde » et puis le coté positif, la zone c’est nous et partout c’est la zone donc partout on a des camarades donc le monde est à nous.

Vous étiez attendus au tournant avec le 2ème LP et l’essai semble être bien transformé. Vous aviez conscience de cette attente, ça vous a mis une pression supplémentaire ?
Scub : On voulait pas refaire exactement la même chose et le coté scène oi! à la mode ça nous a directement fatigués. La plupart des gens qui ont écouté le deuxième album ont été troublés aux premières écoutes mais apparemment suivent après. La pression je sais pas, on fait jamais un groupe de rock pour les autres, on le fait avant tout pour soi non ? Rentrer dans une image de marque, une franchise ce serait bien la pire chose qui puisse nous arriver… Des fois nous sommes surpris de voir autant de gens suivre, des fois on se prend à rêver à encore mieux.
Arthur : Y a rien de plus déprimant qu’un groupe que tu kiffes devienne une parodie de lui même, non ? J’pense que la volonté de sortir de certains carcans était évidente pour nous… Ça a touché des gens je crois, tant mieux ! Nous en tous cas on s’éclate bien à piquer dans d’autres registres. Tu sais quoi, c’est mon rêve de faire un morceaux à la Guns of Brixton mais bon…

C’est dur d’avoir des infos sur vous, pas de site, pas de réseaux sociaux… pourquoi ce choix ? Que peut on attendre pour 2019 ?
Scub : Ben on a un Bandcamp c’est déja pas mal. On a fait pas mal d’interwiews dans les zines aussi, puis la radio… on fonctionne un peu à l’ancienne. Faut dire que notre accès à la scène ne s’est pas fait par internet mais avant tout par le contact humain. Après on crache pas dessus. Moi j’ai un Facebook mais je suis pas sûr qu’avoir un genre de Facebook pour un groupe punk rock ça soit super classe. On essaie peut être de laisser un peu de pureté à une des rares choses dans laquelle il nous est encore donné de mettre un peu de sens et d’intégrité… le rock !
Arthur : Peut-être que j’me rends pas compte de certaines choses mais c’est quand même facile trouver la majeur partie des infos, à savoir la musique. Après, si tu traînes dans les concert punk à Lyon, St Etienne, tu risques fort de nous croiser et de pouvoir converser autour d’un verre. En ce qui concerne 2019 si tout va bien, on continuera les concerts et on commence déjà à composer de nouveaux morceaux. Un nouveau LP en 2019 ce serait top mais bon on ne sait jamais de quoi demain est fait…

http://zoneinfinie.bandcamp.com

Interview : Guillaume Circus
Une partie de cette interview est publiée dans PR2018