Quel était l’objectif initial de votre retour sur scène en 2017 ?
Patrice (Chant) : Nous ne pensions pas faire de comeback et notre séparation devait être définitive; mais ayant tourné avec d’autres groupes, j’ai remarqué que la demande était forte notamment chez les moins de 30 ans. Nous nous sommes revus Jess, Rolo et moi en 2015 et nous nous sommes dit “why not”. Bien sûr, cela n’a pas été facile vu que nous sommes certainement le groupe le plus “éparpillé” de France et nous n’avions pas rejoué ensemble depuis plus de 20 ans ! Du coup, nous avons dû mettre le set au point très rapidement…
Quel bilan avez-vous tirez de l’expérience ? Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?
Nos retrouvailles ! Les Rats se sont formés quand nous étions au lycée et nous sommes plus une bande d’amis qu’une association de musiciens. Quant au bilan, il est plus que positif vu que ça a permis aux plus jeunes de découvrir Les Rats et la réédition de notre discographie. Le plus touchant est tout ce monde qui vient au concert et nous disent à quel point ce groupe a compté pour eux, orientant parfois même leur choix de vie. Le public connait les paroles par cœur et chante avec nous et ça, c’est notre plus belle récompense.
Qu’est-ce qui vous a étonné dans la scène (punk) rock 2018 ?
En bien, je dirais les structures (salles, sono, orga). Aujourd’hui, les groupes ont un niveau technique que nous n’avions pas dans les années 80, mais je regrette juste que les chanteurs préfèrent brailler que de nous donner de belles mélodies. Bien sûr, c’est une généralité, certains groupes nous ont agréablement surpris.
On vit une période où culturellement on se tourne de plus en plus vers le passé (reformation de groupes, réédition d’albums, etc). A ton avis, est-ce par nostalgie ou par peur du futur ?
J’aime à penser que c’est par peur du futur mais on a aussi souvent tendance à enjoliver le passé car tout n’était pas aussi bon à cette époque (peu de public dans certaines régions, niveau technique plus que limite…). Certains groupes ont eu du succès et ont traversé les années devenant par là des références. C’est vrai que la musique populaire d’aujourd’hui s’illustre souvent par la pauvreté des textes, beaucoup de groupes aujourd’hui préfèrent faire du slogan ou parler d’eux-mêmes… Je pense que Les Rats ont touché les gens car nos textes dépeignent le quotidien sans donner de leçons, juste un regard un peu narquois de notre société.
Dans le set des Rats de 2017, vous avez joué un titre inédit, “La Passe à Dix”. D’où sort-il ?
C’est une compo récente, nous tenions à présenter un inédit pour ne pas faire que du revival. Le texte a été écrit en collaboration entre moi et le petit frère de Rolo : Arnaud Xyménès. La musique, elle, est signée Les Rats. Nous avons d’autres titres sous le coude malheureusement, nous manquons de temps pour les finaliser.
Parmi les récentes rééditions vinyles et CD, Tequila, votre premier album, soit votre disque le plus juvénile, s’avère être celui qui se vend le mieux. Bienvenue au Club est le disque dont tu es le plus fier, celui qui représente, selon toi, le véritable esprit du groupe et le plus réussi. C’est pourtant celui qui est le moins aimé de votre catalogue. Pourquoi une telle différence d’appréciation ?
Sûrement à cause du son (c’est mon analyse). [Sur Bienvenue Au Club] il y a eut une grosse merde au mastering et tout le bas medium qui donne la chaleur du son a disparu… Si, personnellement, c’est mon préféré, c’est parce que nous avions atteint un niveau d’écriture honorable et une cohésion musicale que nous n’avions à l’époque qu’en concert (d’ailleurs, cet album a été enregistré quasiment live). Mais le disque le plus représentatif reste De Prisa.
A propos de la compilation de singles prévue sur Nineteen Something, lorsque vous avez réécouté ces enregistrements originaux, vous les avez trouvés pauvres et dénués d’intérêt, au point de ne pas vouloir sortir cette compilation. Ces 45 tours sont pourtant parmi les titres favoris de beaucoup de vos fans. Certains disent d’ailleurs qu’une fois l’œuvre terminée et mis à disposition du public, celle-ci n’appartient plus à son créateur. Qu’en penses-tu ?
C’est vrai que nous avons un regard critique sur ce que nous faisons qui ne correspond pas toujours à ce que pense notre public. Là est la difficulté de faire des choix, entre les attentes du public et notre sensibilité. Aujourd’hui, entendre certains titres de cette époque m’irritent les oreilles pour des raisons dont le public se fout (le son, la prouesse technique) et nous essayons de passer outre. Nous ne sommes pas contre une réédition de ces titres mais nous aimerions y ajouter des morceaux plus récents et inédits. Tout est histoire de financement, les studios n’étant pas donnés…
Les Rats ont toujours eu une réputation de groupe ingérable et imprévisible. Certains voient ça comme une tare. Mais cela ne peut-il pas être, dans une certaine mesure, un avantage ?
Pour moi, c’est clairement notre force et je pense que si nous avons marqué le rock français des années 80, c’est justement parce que nous ne faisions aucune concession et que nous refusions de céder aux sirènes du business. Après, les dérapages de fin de soirée, c’est une autre histoire…
De quoi auras-tu été le plus fier d’avoir accompli avec Les Rats ?
D’avoir, avec des amis d’enfances sachant à peine jouer et sortant d’une cité perdue au milieu de nulle part, réalisé des albums que les kids écoutent encore aujourd’hui, connaissant les textes parfois mieux que les anciens ! Ce n’est pas une fierté mais notre plus belle récompense…
Et à part Les Rats ?
Jess joue avec Barricades. Rolo et Jean-Mi ont un projet avec Henri-Paul pour faire des reprises de Johnny Thunders. Carlos fait la pige à la basse pour Washington Dead Cats. Et je joue avec Abazdabu à La Réunion (j’ai aussi joué avec les Tukatukas de 2007 à 2010 avec lesquels j’ai enregistré le premier album Chaleurs Tropicales). J’aimerais aussi enregistrer les nouvelles compos inédites avec Les Rats à titre posthume.
http://nineteensomething.bandcamp.com/
Interview : Frank Frejnik
Une partie de cette interview est publiée dans PR2018